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Un exemple de Gaslighting article 1 : L'Apparence Contre le Dire : Une Impasse dans l'Échange Identitaire

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    pmartinpsy
  • il y a 2 jours
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Presque un même cette vidéo, un journaliste fait la remarque qu'il a été difficile de réunir une femme pour parler de la problématique de l'émission et qu'il y a 4 hommes blancs sur le plateau, et il est pris à partie par un militant LGBT, qui dit ne pas être un homme. L'intervenant lui demande alors ce qui lui fait dire qu'il est un homme. Le journaliste lui fait la remarque que c'est son apparence (homme blanc chauve et barbu) et l'intervenant lui fait la remarque qu'il ne faut pas confondre identité de genre et expression genre il a même une attitude plutôt agressive « sinon on va déjà mal partir » (nous pouvons faire la remarque qu'il y a un souci avec l'utilisation du pronom indéfini on). Il se définit comme non binaire, donc ni masculin ni féminin "je refuse qu'on me mégenre comme un homme". Petit tacle du journaliste qui relève que ça ne résout pas le problème des femmes sur le plateau, il lui répond qu'il ne faut pas dire qu'il y a 4 hommes sur le plateau et que c'est le mégenrer et que ce n'est pas très agréable. Plus tard un autre intervenant fait la remarque que le plateau "il est très blanc" en parlant de la représentativité des participants, c'est alors que la personne non binaire intervient (le journaliste voit le truc arrivé et dit "il va nous dire qu'il n'est pas blanc") « bah non je suis à moitié libanais... »


L'extrait que nous présentons met en scène une tension discursive où la tentative de catégorisation du journaliste se heurte à une subjectivité qui refuse cette assignation. Le psychanalyste (la place que nous prendrons), dans sa fonction, ne se positionne pas pour arbitrer la validité de l'identité de genre de l'intervenant ni pour juger la pertinence de ses propos. Son rôle serait plutôt d'observer les modalités de l'échange, les points de butée, et ce que ces interactions révèlent de la structure psychique des participants mais surtout des impasses du langage.


Face aux débats sociétaux contemporains sur le genre, souvent éloignés de la clinique, la psychanalyse, ancrée dans la singularité du sujet et la reconnaissance de la castration symbolique, se doit de rétablir une perspective rigoureuse, qui fait état des lieux, loin des pressions normatives. Cet article entend éclairer une posture clinique parfois mal comprise.


Dans cette perspective, on peut noter :

  • La contestation de la réalité perceptive : Le journaliste se base sur l'apparence visuelle pour établir une catégorie (« quatre hommes blancs »). L'intervenant conteste cette appréhension immédiate, introduisant une discordance entre le visible et le vécu subjectif. L'analyste pourrait y voir une illustration de la complexité de l'identification et du rapport du sujet à son image et à la nomination par l'Autre.

  • L'impératif subjectif face à la catégorisation sociale : L'intervenant exprime un refus catégorique d'être assigné à la catégorie « homme » (« Je refuse qu'on mégenre comme un homme »). Cet impératif subjectif témoigne d'une position psychique où l'identité de genre ne coïncide pas avec les catégories sociales attendues. L'analyste pourrait explorer ce refus comme une tentative de se soustraire à une aliénation signifiante qui ne correspond pas à son éprouvé subjectif.

  • La dimension agressive de l'affirmation identitaire : La remarque « sinon on va déjà mal partir » introduit une tension dans l'échange, signalant une potentielle menace en cas de non-reconnaissance de l'identité autodéfinie. L'analyste pourrait observer ici les modalités défensives mises en place par le sujet pour protéger son identité.

  • Le brouillage des catégories et la quête d'un signifiant propre : La définition comme "non binaire" vise à se situer en dehors des catégories binaires traditionnelles. La précision ultérieure (« à moitié libanais ») complexifie encore la lecture catégorielle basée sur l'apparence (« blanc »). Nous pourrions y voir la difficulté du sujet à se trouver une place dans le champ des signifiants existants et la tentative d'en forger de nouveaux, plus adéquats à son vécu.





C’est une manifestation de l'impossibilité fondamentale du langage à dire le Réel. Pour Lacan, le langage, l'ordre symbolique, est par nature une structure de différences et de conventions qui vient découper et organiser le Réel, mais ne le recouvre jamais complètement créant notre réalité, soit notre manière de dire le réel. Il y a toujours un reste, un ineffable qui échappe à la capture du signifiant. C'est ce que Lacan nomme le Réel : ce qui résiste à la symbolisation, ce qui "cloche", ce qui est traumatique précisément parce qu'il n'a pas pu être intégré dans l'ordre du langage.

Dans l'échange que nous analysons, on pourrait voir la tentative de l'intervenant de faire coïncider sa vérité subjective, son vécu du genre, qui se situe au-delà des catégories binaires, avec les catégories limitées du langage social. Son refus des désignations basées sur l'apparence pourrait être interprété comme une protestation contre l'effet castrateur du langage, cette limitation inhérente à toute tentative de nommer et de catégoriser le singulier dans le général.

Au lieu d'accepter cette castration symbolique, cette perte inévitable dans la traduction du vécu au langage, l'intervenant semble chercher un moyen de dire le Réel de son identité, une vérité qui excède les catégories disponibles. Cette tentative se manifeste par un rejet des signifiants existants et une exigence que l'Autre reconnaisse une vérité qui n'est pas immédiatement accessible par les codes partagés.


Cependant, comme nous l'avons souligné, cette démarche, en niant la fonction médiatrice du langage et la nécessité de s'inscrire dans un ordre symbolique commun pour établir le lien avec l'Autre, risque de conduire à une impasse communicationnelle. Si le langage est précisément ce qui nous permet de faire un pont entre nos subjectivités et d'approcher une compréhension mutuelle malgré l'impossibilité de dire le Réel dans sa totalité, le rejet de ses conventions risque d'isoler le sujet dans une tentative de dire l'indicible.

Ainsi, cet échange pourrait illustrer la tension constante entre la subjectivité singulière qui bute contre les limites du langage et la nécessité de ce même langage pour exister dans le champ de l'Autre. La tentative de court-circuiter la castration symbolique en imposant une vérité subjective radicale se heurte à la structure même du langage comme ordre de différence et de manque.


  • La sensibilité à la nomination par l'Autre : La réaction vive au terme « hommes » (« c'est le mégenrer et ce n'est pas très agréable ») souligne l'importance de la nomination par l'Autre dans la construction subjective et la potentielle blessure narcissique ressentie en cas de non-reconnaissance.


En somme, l'analyste n'aurait pas pour tâche de valider ou d'invalider l'identité de genre de l'intervenant. Il observe la manière dont le sujet se positionne face au langage et aux tentatives de catégorisation de l'Autre social. Il est attentif aux points de tension, aux affects manifestés et à ce que ces interactions révèlent de la structure subjective et de la quête d'une nomination qui fasse sens pour le sujet. L'échange met en lumière la complexité du rapport entre l'apparence, l'identité subjective et les catégories sociales, un nœud où le langage révèle à la fois son pouvoir de nomination et ses limites face à la singularité du vécu psychique.


Négation de L’Autre


En effet, au-delà de la contestation de la perception, on peut y entendre une forme de négation de l'Autre en tant que lieu du langage partagé et des catégories sociales communément admises.

Dans cette perspective, l'intervention du militant ne se limite pas à une simple rectification de son identité de genre. Elle touche à la possibilité même d'une appréhension intersubjective basée sur des signifiants partagés. Lorsque l'intervenant rejette la catégorie « homme » basée sur son apparence, il remet en question la validité d'un mode de catégorisation socialement établi et, par extension, la capacité de l'Autre (le journaliste, le public) à le situer dans un cadre de référence commun.


Cette négation de l'Autre en tant que lieu de langage partagé a des implications importantes :


  • Fragilisation du lien social : Le langage est le fondement du lien social. S'il n'y a plus d'accord sur la signification des termes et sur les catégories d'identification, la communication et la possibilité d'une compréhension mutuelle s'en trouvent fragilisées. La contestation radicale des catégories usuelles peut rendre l'échange difficile, voire impossible.

  • Imposition d'une subjectivité radicale : En insistant sur la primauté de son identité autodéfinie au point de nier la pertinence de l'apparence comme point de repère initial, l'intervenant impose une subjectivité radicale qui ne se soumet pas aux codes collectifs. Cela peut être interprété comme une tentative de redéfinir les règles de l'interaction à partir de sa propre singularité, au risque de rendre l'échange inintelligible pour l'Autre.

  • Obstacle à la symbolisation : Le langage est un outil de symbolisation qui permet de donner sens au réel et de se situer dans le monde. Si les catégories de base sont niées, la possibilité de symboliser l'expérience subjective et de la partager avec l'Autre peut être entravée.





Ainsi, cette lecture met en évidence un enjeu crucial : la négation de l'Autre en tant que lieu de langage commun. Sans un minimum d'accord sur la signification des signifiants et sur les cadres de référence partagés, le lien social et la communication deviennent problématiques. Il faut ici s'intéresser à ce refus de l'Autre, à ce qu'il révèle de la position subjective de l'intervenant et de sa relation au champ symbolique. Cette négation pourrait être explorée comme une défense, une tentative de se soustraire à une aliénation jugée inacceptable, mais qui paradoxalement entrave la possibilité même d'un lien basé sur un langage commun.


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