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L'Énigme de l'Arrêt de Travail article 2 : La logique du symptôme et le Nom-du-Père en défaut – version complexe

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    pmartinpsy
  • 12 mai
  • 7 min de lecture

Vignette Clinique : L'Enfant "Malade" et le Mensonge Maternel



Un patient, engagé dans en cure, rapporte une expérience infantile marquante. Confronté dès son jeune âge à une certaine contradiction entre l'image idéalisée que ses parents lui renvoyaient et sa propre perception de ses capacités réelles (faille narcissique), il découvre une solution singulière pour éviter la confrontation scolaire : simuler la maladie. Cette simulation est non seulement acceptée mais activement soutenue par sa mère, qui justifie ses absences auprès de l'école par des maux imaginaires. Le père, figure parentale potentiellement normative, reste étrangement absent de cette dynamique, n'opposant aucune contradiction au discours maternel.

L'enfant en vient à comprendre le pouvoir du mot : « mal-a-die », il vient à représenter une échappatoire à la souffrance. Progressivement, la simulation évolue : il exprime simplement son désir de ne pas aller à l'école (pour jouer comme tout enfant normalement constitué), et la mère continue de mentir en son nom (équivoque).

Aujourd'hui adulte, le patient se trouve confronté à des difficultés d'adaptation et souffre de symptômes somatiques récurrents. Son analyse révèle une possible intrication entre cette histoire infantile et son rapport actuel au corps et à l'adversité. Il interprète ses symptômes comme une manifestation de son incapacité à affronter le réel, une séquelle de cet apprentissage précoce où le mensonge maternel et l'absence de confrontation ont structuré son rapport au monde. Il perçoit la figure maternelle de son enfance comme toute-puissante, une instance devant laquelle aucune limite ne semblait exister.

Cette vignette interroge la place du Nom-du-Père dans la structuration psychique de l'enfant, l'impact du discours maternel sur la construction de la réalité et la logique inconsciente du symptôme comme tentative de résolution face à l'angoisse et à la faille narcissique.


Attention
Il est crucial d'aborder la lecture de cette vignette clinique avec prudence et discernement. Elle offre un éclairage singulier sur une dynamique psychique spécifique et peut s'avérer un outil heuristique précieux pour décrypter d'autres situations cliniques. Cependant, de par son caractère unique et contextuel, elle ne saurait être érigée en modèle universel. La complexité de la psyché humaine et la singularité de chaque trajectoire subjective impliquent qu'il existe potentiellement une infinité de contre-exemples. Cette vignette invite à la réflexion et à l'ouverture clinique, mais ne saurait en aucun cas se substituer à une analyse approfondie et individualisée de chaque situation rencontrée. D’ailleurs ici, il s’agit en réalité de deux vignettes rassemblées en une. Consentement éclairé accordé.

Le témoignage de ce patient éclaire d'une lumière crue la logique inconsciente à l'œuvre dans la genèse des symptômes, et particulièrement ce que l'on pourrait entendre, dans un langage plus courant, comme leur dimension "psychosomatique". Si, pour Lacan, toute atteinte au corps est déjà marquée par le symbolique, par l'impact du langage et de la jouissance qui s'y inscrit, l'histoire de cet enfant révèle comment une certaine économie psychique, structurée autour du mensonge maternel et de la défaillance paternelle, peut engendrer une modalité particulière de rapport au corps et au réel.


L'interprétation du patient met en évidence une faille narcissique fondamentale, une béance entre l'image idéalisée que les parents lui renvoyaient « mis sur un piédestal » et la confrontation à une réalité où il n'était pas « si doué ». Aujourd’hui tous les enfants sont HPI est-ce une réalité ou juste une manière, tout autant, consciente qu’inconsciente de rehausser son propre narcissisme de parent ?  Cette discordance entre le discours de l'Autre et l'expérience subjective ouvre une brèche où l'angoisse peut s'engouffrer. Rappelons que l’angoisse, « c’est quand le manque vient à manquer » (séminaire 10 Lacan)



L'intuition infantile de lier la "mal-a-die" à l'évitement scolaire révèle une première tentative de maîtrise face à cette angoisse. Le symptôme apparaît ici comme une solution, certes coûteuse à long terme, pour se soustraire à une confrontation jugée insupportable : l’échec scolaire parce qu’il faut travailler, trouver des ressources d’apprentissage, intérioriser le signifiant de patiente et de concentration.


La simulation de la maladie, acceptée et même entérinée par la mère, devient un mode relationnel privilégié, où la vérité est subordonnée au désir maternel de le protéger (ou de se protéger elle-même d'une confrontation avec la réalité des difficultés de l'enfant ?).

La figure maternelle émerge alors comme toute-puissante, une instance qui peut décréter la réalité ("il est malade") sans que le père, figure potentielle représentant de la loi et de la castration symbolique, n'oppose de contre-pouvoir (pour faire simple, nous n’allons pas ici rentrer dans des considérations féministes). Cette absence de tiers, de Nom-du-Père venant introduire la limite et la castration (l'impossible), est cruciale. Elle laisse l'enfant pris dans une dyade fusionnelle avec la mère, où son propre désir se trouve aliéné au désir de l'Autre maternel : ici l'enfant reste le pansement (ou pense-ment) de la mère.

L'enfant se retrouve très fortement lié, presque "collé", à sa mère (c'est ce que l’on nomme la dyade fusionnelle). Dans cette relation très étroite et sans distance, l'enfant a du mal à développer ses propres envies et désirs, il reste donc du coté du plaisir. Au lieu de cela, ses désirs sont comme « avalés » ou « remplacés » par ce que sa mère semble vouloir pour lui ou ce qu'elle exprime comme désir (c'est « l’aliénation au désir de l'Autre maternel"). Il a du mal à se distinguer comme individu avec ses propres aspirations. L'enfant ne peut plus se confronter à l'extérieur et se battre pour vivre son aventure à lui.


Le passage de la simulation ("il simulait d'être malade") à la simple expression du désir de jouer (« il a juste dit qu'il ne voulait pas aller à l'école ») et la réponse mensongère de la mère (« elle a menti pour lui en disant qu'il était malade ») scellent une modalité de rapport au monde où la vérité est malléable et où la confrontation avec le réel peut être évitée par le biais du mensonge de l'Autre.


Aujourd'hui, l'incapacité à se confronter à l'adversité de la vie et les symptômes "psychosomatiques" peuvent être interprétés comme la persistance de cette économie psychique infantile. Le corps parle là où le sujet n'a pas appris à symboliser et à affronter les difficultés. Le symptôme somatique devient une manière de mettre en scène, sur et dans, le corps propre, le malaise d'un sujet qui n'a pas été pleinement introduit dans l'ordre symbolique, dans l'acceptation de la castration et des limites inhérentes à l'existence : tout le monde n’a pas le potentiel d’être champion olympique, la vie n’est pas juste, mais cela ne veut pas dire que vous ne pouvez pas vous construire une vie à vous.


L'expression "psychosomatique", bien que n'étant pas un concept central chez Lacan, trouve ici un éclairage particulier. Ce n'est pas une division entre le psychique et le somatique, mais plutôt la manifestation corporelle d'un nouage singulier entre le Symbolique, l'Imaginaire et le Réel, nouage qui a été perturbé par la défaillance du Nom-du-Père (du non du père) et l'emprise d'un Autre maternel tout-puissant. Le corps, en tant que lieu de jouissance (corps de « jouis-sens »), devient le théâtre où s'inscrivent les impasses subjectives et les tentatives de nouer ce qui n'a pas pu l'être au niveau symbolique.


La cure analytique, dans cette perspective, vise à dénouer ces identifications aliénantes, à permettre au sujet de se désidentifier de l'Autre maternel ici tout puissant et d'advenir à son propre désir, en passant par la reconnaissance de la fonction paternelle et de la loi symbolique. C'est dans le travail de la parole, dans l'élaboration de son histoire et de ses identifications, que le sujet peut progressivement se défaire de l'emprise du symptôme et trouver d'autres modalités de rapport au réel et à sa propre jouissance. En laissant tomber ou chuter, l’image de lui aimé seulement en étant le meilleur, il put accepter d’être un parmi d’autre. Cet idée apaisa son existence, et lui permis d’entreprendre de études, la peur d’échouer étant intégrable au processus de l’existence.


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