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Patrick MARTIN Psychologue Paris 9e 

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Un Pervers Narcissique peut-il Faire une Psychanalyse ? Le Regard Lacanien sur une Question Complexe

  • Photo du rédacteur: Patrick  MARTIN
    Patrick MARTIN
  • 23 juin
  • 8 min de lecture

Introduction : Le "Pervers Narcissique", entre Concept Populaire et Énigme Clinique


mise en garde vis-à-vis de l'effet Barnum, laissez les professionnels diagnostiquer les autres... si c'est compliqué pour nous c'est impossible pour vous...

"Patrick Martin, psychologue et psychanalyste lacanien, offrant une écoute bienveillante à Paris."

Le terme de "pervers narcissique" est devenu monnaie courante, souvent employé pour décrire toute personne manipulatrice ou égoïste. Cependant, en psychanalyse, et particulièrement dans la tradition lacanienne, nous parlons plutôt de structure perverse. Il ne s'agit pas d'un simple trait de caractère, mais d'une organisation psychique spécifique, bien plus complexe que la caricature médiatique. Cette figure, caractérisée par une jouissance tirée de la domination de l'Autre et un déni fondamental de la réalité de sa propre incomplétude, et cela soulève une question épineuse pour les cliniciens : un sujet dont la structure est perverse peut-il s'engager, et tirer profit, d'une psychanalyse ?


En tant que blogger spécialisé en psychanalyse lacanienne et psychologue, je me propose de démêler cette interrogation. Nous verrons pourquoi l'accès même à l'analyse est problématique pour ces sujets, ce que la clinique lacanienne nous enseigne sur les rares cas où une telle rencontre thérapeutique pourrait avoir lieu, et comment l'analyste peut naviguer dans ce terrain miné.


Contrairement au discours courant, la perversion n’est pas « ce que fait quelqu’un », mais « la manière dont un sujet s’inscrit dans le désir de l’Autre ».

Le Pilier Invisible de la Perversion

Avant de parler de psychanalyse, il est crucial de saisir ce qu'est une structure perverse du point de vue psychanalytique et pourquoi elle se distingue radicalement d'une névrose ou d'une psychose.

Pour Lacan, la perversion n'est pas une simple déviance morale ou un caprice. C'est une structure subjective bien définie (aucun jugement c'est un constat, comme dire certain utilise un iphone/samsung/huwai), caractérisée par une logique inconsciente particulière. Ce qui la distingue fondamentalement, c'est le déni (le Verleugnung freudien) de la castration de l'Autre. (La définition donné ici est pour un publique large, la simplification peut donner des erreurs vis a vis de la théorie complète)

  • Le Déni Fondamental : Pour le sujet pervers, l'Autre (la loi symbolique, la figure parentale, la réalité de la différence sexuelle et du manque) n'est pas manquant. Il y a un refus inconscient d'accepter la limite, la loi, la séparation. Au lieu de l'accepter comme un névrosé (qui refoule) ou de la rejeter comme un psychotique (qui forclot), le pervers la dénie. Il sait, et en même temps il ne sait pas. Ce déni lui permet de se positionner comme celui qui "comble" le manque de l'Autre, ou qui démontre que ce manque n'existe pas.

  • La Jouissance de l'Autre : Le pervers cherche à mettre en scène le manque de l'Autre pour le nier. Il vise à devenir l'instrument de la jouissance de l'Autre, ou à démontrer que l'Autre n'est pas soumis à la castration. Par exemple, il peut manipuler et dominer pour prouver son pouvoir absolu et l'impuissance de l'Autre. La souffrance de l'Autre n'est pas un objectif en soi, mais une conséquence de cette quête perverse de maîtriser le manque.

  • Le Rapport à la Vérité : La vérité subjective du pervers est celle d'un savoir totalisant, d'une illusion de maîtrise. Il est maître de la scène qu'il construit, des rôles qu'il assigne aux autres. Ce n'est pas un mensonge pour tromper l'Autre, mais une construction de la réalité qui lui permet de maintenir son déni.


Différence avec la psychose et la névrose

Structure

Rapport à la castration (l'impossible)

Position du sujet

Rapport à l’Autre

Névrose

Acceptée mais problématique

Sujet barré ($)

L’Autre est supposé savoir

Psychose

Forclusion de la castration

Sujet morcelé, clivé

L’Autre est menaçant, envahissant

Perversion

Castration connue mais niée

Identifié à l’objet a

L’Autre est comblable, jouissant


Pourquoi le Sujet Pervers ne Frappe JAMAIS à la Porte de l'Analyste ?

C'est là que réside la première et la plus grande difficulté : un sujet à structure perverse ne demande généralement pas une analyse pour lui-même.

  • L'Absence de Symptôme (pour lui) : Le pervers ne souffre pas de ses agissements. C'est son entourage qui souffre. Il n'expérimente pas la névrose (angoisse, culpabilité, inhibition) qui pousse le sujet à chercher de l'aide. Pour lui, le problème vient toujours des autres, de la réalité qui ne se plie pas à ses désirs, jamais de lui-même. Il a une jouissance propre à son mode de fonctionnement.

  • Le Refus de la Division Subjective : La psychanalyse repose sur la reconnaissance d'un sujet divisé par l'inconscient, d'un sujet qui ne se connaît pas entièrement et qui est aux prises avec son désir. Le pervers, lui, se présente comme un bloc monolithique, sans faille, sans manque. Il n'y a pas de place pour l'équivoque, le lapsus, le symptôme qui ferait signe d'une vérité inconsciente.

  • Le Risque du "Sujet Supposé Savoir" : L'entrée en analyse repose sur la construction d'un "sujet supposé savoir" (l'analyste est supposé détenir un savoir sur la souffrance du patient). Pour le sujet pervers, cette position est une faiblesse. Il ne peut concevoir que quelqu'un d'autre détienne un savoir sur lui, ou qu'il y ait un savoir qui le dépasse. Au contraire, il cherchera à manipuler l'analyste, à prendre le contrôle de la situation, à déjouer toute tentative d'interprétation qui le mettrait en position de manque.


Analyse sous Contrainte : Mission Impossible ?


"Patrick Martin, psychologue et psychanalyste lacanien, offrant une écoute bienveillante à Paris."

Bien que rare, il arrive que des individus perverses viennent consulter. Mais dans quelles conditions ?

  1. Sur Injonction Externe : Souvent, c'est sous la contrainte d'un conjoint, d'une famille, ou d'une institution (justice, employeur) que le sujet est amené à la consultation. Il vient pour faire cesser une pression, pas pour changer lui-même. Son objectif est de "se débarrasser du symptôme" des autres.

    Exemple Clinique Fictif : Monsieur D., 50 ans, est contraint de consulter après des plaintes répétées de ses collègues pour harcèlement moral. Il arrive en séance affable, souriant, expliquant que ce sont les autres qui sont "trop sensibles" ou "jaloux". Il cherchera à séduire l'analyste, à minimiser les faits, à présenter des arguments logiques et implacables qui le dédouanent. Toute tentative de l'analyste de pointer une éventuelle responsabilité ou une contradiction sera soit balayée avec une rationalisation parfaite, soit rencontrera une soudaine froideur et un retrait. La manipulation se manifeste par des tentatives de "tester" les limites de l'analyste, de le faire sortir de sa neutralité.

  2. Un Dérèglement de sa Jouissance : Plus rarement, le montage pervers peut vaciller. Cela arrive lorsque l'Autre cesse de se laisser instrumentaliser, lorsque la "scène" qu'il met en place ne produit plus la jouissance attendue. Par exemple, une rupture affective douloureuse, une perte professionnelle significative, un échec retentissant qui le confronte à une limite qu'il ne peut plus dénier. Même dans ce cas, la demande sera souvent de "réparer" le montage, non d'interroger sa structure.

  3. La "Comorbidité" Névrotique : Une Brèche Potentielle ? C'est la porte d'entrée la plus prometteuse, mais aussi la plus délicate. Il est possible qu'un individu ait une structure perverse "recouverte" de traits ou de symptômes névrotiques. C'est-à-dire qu'à côté de sa logique perverse, il peut éprouver de l'angoisse (rarement très intense), des inhibitions, ou des symptômes physiques pour lesquels il vient consulter.

    • Stratégie de l'Analyste : Dans ces cas, l'analyste va s'appuyer sur ces symptômes névrotiques, qui sont des formations de l'inconscient faisant signe d'une division subjective. Le travail commencera sur ces points d'angoisse ou d'inhibition. L'enjeu est de ne pas se laisser "dévorer" par la logique perverse du patient, qui tentera de rationaliser le symptôme ou de le projeter sur l'Autre. L'analyste doit maintenir une position de rigueur clinique, pointer les contradictions sans jugement, et surtout, ne pas se laisser entraîner dans le jeu de manipulation. L'objectif n'est pas de "dénoncer" la perversion, mais de laisser le sujet se confronter à la béance de son propre dire. Si un doute ou une faille apparaît dans le déni du patient, même minime, cela peut être une avancée.


L'Analyste face au Sujet Pervers : Éviter le Piège, Chercher la Faille

Si un sujet à structure perverse franchit la porte d'un analyste, le défi est immense et l'éthique de la position analytique est mise à rude épreuve. En réalité le jeu est déjà joué et l'analyste a déjà perdu.

  • Ne Pas Être l'Instrument de la Jouissance : La première tâche de l'analyste est de ne pas devenir un jouet dans le jeu pervers. L'analyste doit éviter de se laisser piéger dans la manipulation, la séduction, ou la tentative du patient de le réduire à un simple spectateur de ses mises en scène. L'analyste ne doit pas endosser le rôle du dupe, ni celui du maître qui sait.

  • L'Impossibilité du Transfert Classique : Le transfert (ce déplacement des affects et désirs inconscients sur l'analyste) ne se déploie pas de la même manière que chez un névrosé. Le sujet pervers ne s'engage pas dans une relation de confiance et de dépendance symbolique. Il peut y avoir un "transfert de façade", où l'analyste est utilisé comme une figure d'autorité à tromper ou à dominer.

  • Reconnaître la Structure : La Prudence Diagnostique : Comment un analyste reconnaît-il une structure perverse ? Ce n'est pas par un test, mais par l'écoute attentive de la parole. On observe l'absence de réelle demande d'aide, la projection systématique de la faute sur l'extérieur, un discours souvent trop cohérent, sans lapsus ou équivoques, une rigidité, une absence de culpabilité (sauf de façade), et des tentatives de manipulation de la relation. La prudence est de mise : on ne colle jamais d'étiquette hâtivement, on laisse le temps au sujet de déplier sa logique. Le diagnostic de structure émerge au fil du travail.


Guérir la Perversion ? Non. Introduire un Doute : Oui.

  • Viser une Faille, non un Changement de Structure : L'objectif en psychanalyse n'est pas de "guérir" la perversion au sens de la transformer en névrose. La structure perverse est considérée comme stable. Le travail, s'il est possible, consistera à introduire une faille dans le déni, à faire apparaître un "coin de réel" qui ne se laisse pas prendre dans la fiction perverse. Cela peut se traduire par l'apparition d'une angoisse, d'un doute, d'une interrogation sur soi, qui serait une première brèche.

  • La Rupture est Fréquente : Très souvent, ces "cures" sont de courte durée et se soldent par une rupture lorsque le patient sent que l'analyste ne joue pas son jeu, ou lorsque l'analyse menace de toucher à son point de jouissance fondamental. Le sujet pervers ne supporte pas l'idée d'un manque chez lui ou chez l'Autre. La rupture est alors une fuite face à ce qui menacerait sa jouissance.


Conclusion : Un Chemin Étroit, des Attentes Mesurées

En conclusion, la question "Un sujet dont la structure est perverse peut-il faire une psychanalyse ?" appelle une réponse nuancée :

  • Très rarement de son propre chef : Le sujet pervers ne demande pas à analyser sa structure. Sa souffrance est externalisée.

  • Extrêmement difficile à mener : Le cadre analytique, basé sur la parole, le transfert et la reconnaissance de la division subjective, est en contradiction avec la logique perverse du déni et de la maîtrise.

  • Les objectifs sont limités : On ne vise pas un "changement de structure", mais potentiellement l'introduction d'un grain de sable dans la machine, la production d'une angoisse ou d'un doute qui pourrait, à terme, ouvrir la voie à une autre relation au monde, ou à une gestion plus acceptable de son environnement.



"Patrick Martin, psychologue et psychanalyste lacanien, offrant une écoute bienveillante à Paris."

La psychanalyse lacanienne nous offre les outils conceptuels pour comprendre la complexité de ces structures et la prudence nécessaire face à des demandes qui, de prime abord, pourraient sembler compatibles avec une analyse, mais qui, à l'épreuve de la clinique, révèlent la radicalité du déni pervers. Il est crucial pour les cliniciens d'être conscients de ces enjeux pour ne pas se laisser instrumentaliser et pour maintenir une position éthique rigoureuse.

La rencontre analytique avec un sujet à structure perverse est un chemin étroit, semé d'embûches, mais dont l'exploration clinique continue d'éclairer les profondeurs de la subjectivité humaine.


L'essentiel en 3 points :

  1. Le sujet à structure perverse ne demande généralement pas d'analyse car il ne souffre pas de ses propres agissements et externalise la faute sur l'Autre, niant tout manque en lui.

  2. La psychanalyse est difficile avec un sujet pervers car sa structure se caractérise par le déni fondamental de la castration, rendant le transfert analytique classique inopérant et ouvrant la voie à la manipulation de l'analyste.

  3. Si une analyse a lieu (souvent sous contrainte ou via une "comorbidité névrotique"), l'objectif est d'introduire une faille dans son déni, non de "guérir" la perversion. La rupture est fréquente.

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