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Patrick MARTIN Psychologue Paris 9e 

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« Les psys ne servent à rien et disent des trucs débiles... » : Comprendre la Dénonciation du Mal-être

  • Photo du rédacteur: Patrick  MARTIN
    Patrick MARTIN
  • 1 sept.
  • 5 min de lecture

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Je lis ce commentaire et j'entends la souffrance et la colère qu'il exprime. Des phrases comme « les psys ne servent à rien et disent des trucs débiles, inutiles, n'abordent jamais les sujets importants, te diffament, te jugent avec des insultes et j'en passe » témoignent d'une ou de plusieurs expériences profondément négatives et traumatisantes avec des professionnels de la santé mentale. Il est crucial de reconnaître cette douleur et le sentiment de trahison ou d'incompréhension que chacun d’entre nous peut ressentir dans cette rencontre qui sort de l’ordinaire.


La réaction de cette personne peut être compréhensible et légitime si elle a été confrontée à des pratiques qui ne respectent pas l'éthique fondamentale de l'écoute et de la neutralité. Il est vrai que, comme dans toute profession, il existe des pratiques inadéquates, voire dommageables. Un bon professionnel ne devrait jamais juger, insulter ou diffamer son patient. C'est une faute éthique qui va à l'encontre même des principes de toute aide psychologique.


Cependant, au-delà de ces expériences malheureusement possibles, ce genre commentaire soulève des questions importantes sur la nature même du travail psychique et sur ce que l'on attend d'un « psy ». Parce qu’il est tout aussi indéniable que la plupart des gens se trompent sur ce que peut faire ou dire un psy. Le Psy n’est ni un parent, ni un ami, ni un professeur et encore moins un coach.


Le « Débile » et « l’Inutile » : Quand la Parole Bouscule

Lorsque les patients comem dans ce commentaire parle de : « trucs débiles, inutiles », il est possible que cela touche à ce qui, précisément, bouscule vos certitudes. Le travail thérapeutique, en particulier psychanalytique, ne vise jamais à vous prodiguer des conseils pratiques ou des solutions immédiates. Souvent, il cherche à vous faire entendre ce qui, dans votre discours ou vos actions, semble vous échapper, ce qui insiste et se répète malgré vous.

  • L'inconscient n'est pas « rationnel » : Les « sujets importants » que vous attendez sont peut-être ceux que votre conscience a déjà circonscrits, soit ce qui s’entendent déjà dans la plainte mais qui se répètent. Or, l'inconscient fonctionne selon une autre logique, celle du désir, de la jouissance, des fantasmes. Il peut donc arriver que l'analyste pointe une incohérence, une répétition, un lapsus qui, sur le coup, semble « débile » ou hors de propos, mais qui vise en réalité à ouvrir une brèche vers ce qui est réellement en jeu pour vous. C'est comme un miroir qui reflète une part de vous que vous ne voulez ou ne pouvez pas voir.

    • Un jour une patiente s’énerve en me disant « je ne vois pas pourquoi vous voulez que je parle de ça » (j’ai remplacé le signifiant par « ça » qui est la représentation de l’inconscient pour Freud, clin d’œil à Stephen King pour ceux qui auront la réf). Je réponds à cette patiente que c’est justement parce qu’elle ne voit pas le rapport, qu’il faut en parler. Ce qui est dommageable ici en réalité, c’est qu’il n’y a pas de véritable transfert établit entre cette patiente et moi. Le transfert c’est quand le patient alloue au psy un savoir sur comment l’aider (pour faire simple). Voilà aussi l’une des raisons qui font que les analystes se taisent, parce que souvent les patients savent par opinion et non par expérience de l’inconscient. Arrêtez-vous une seconde sur le problème que je viens de soulever, votre souffrance se répète, vous allez voir une personne qui a une certaine expérience de l’inconscient et qui est là pour vous mettre au travail. Vous qui n’avez pas cette expérience, comme jugez-vous de ce qui a un rapport ou non ?  

  • Le paradoxe de la « jouissance dans la souffrance » : Comme nous l'avons évoqué précédemment, la psychanalyse parle de « jouissance » là où le sens commun voit de la souffrance. Si un thérapeute questionne ce que vous « trouvez » dans ce qui vous détruit, ce n'est pas pour vous accuser d'aimer souffrir, mais pour vous aider à débusquer un bénéfice inconscient, une satisfaction paradoxale qui maintient le problème en place. Ce n'est pas « débile », c'est une tentative de dénouer un nœud profond.

Pour rappel : ce qui est inconscient n’est pas conscient, donc si votre inconscient s’exprime à votre décharge vous ne vous rendez pas compte qu’il s’exprime et vous ne vous rendez pas compte de ce qu’il exprime.

« N'abordent jamais les sujets importants » : Le Cœur du Réel


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Concernant les « sujets importants » qui ne seraient pas abordés, il est possible que ce qui est le plus important pour vous consciemment ne soit pas ce qui est structurant pour votre souffrance inconsciente.

Ex : « mon mari me trompe », ok il vous trompe mais ce qui vous fait souffrir à l’instant T c’est que vous êtes incapable de le quitter. Donc la vraie question c’est qu’est-ce qui fait que vous n’arrivez pas à quitter cette personne ?

  • Le Réel, ce qui insiste : Pour Lacan, il y a le Réel, ce qui ne peut être symbolisé, ce qui revient toujours à la même place, ce qui traumatise. C'est ce point d'achoppement que l'analyste cherche à faire émerger. Il se peut que, pour vous, un sujet ne soit pas abordé alors que le psy est en fait en train de pointer, par des voies détournées, la répétition de ce Réel, que vous n'arrivez pas à entendre ou à symboliser. L'analyste insiste sur ce qui, pour vous, ne fait pas sens, précisément parce que c'est là que réside la clé de votre impasse. Ex : vous avez raconté que quand vous étiez enfant c’était un enfer chaque matin pour quitter votre mère devant la grille de l’école, pleure, drame… à cet endroit-là, la parole n’a pas fait son chemin pour l’enfant et médiatiser la séparation, une angoisse d’abandon c’est installé. Maman me quitte pour un autre et m’abandonne a l’école. Je ne peux pas quitter mon mari qui me trompe pour une autre, parce que mon angoisse d’abandon se rejoue et me sclérose. La parole ne fait pas son travail et ne trouve pas de voie/voix pour évacuer la situation.

  • La différence entre « entendre » et « comprendre » : En psychanalyse, on ne cherche pas à « comprendre » intellectuellement, mais à « entendre » au niveau inconscient. Une interprétation ou une intervention de l'analyste peut sembler « inutile » sur le moment, mais elle peut faire son chemin et produire un effet des jours ou des semaines plus tard, parce qu'elle a touché quelque chose qui était impensable pour vous.


Conclusion : Ne pas Jeter le Bébé avec l'Eau du Bain


Ce commentaire exprime une grande déception et une juste indignation face à des expériences qui ne devraient pas avoir lieu. Il est important de les nommer.

Cependant, il serait dommage de généraliser et de conclure que « les psys ne servent à rien ». La psychanalyse, quand elle est menée avec rigueur éthique et clinique, offre un espace unique pour explorer les profondeurs de l'inconscient, dénouer des souffrances qui persistent, et permettre au sujet de trouver une nouvelle liberté face à ses impasses. C'est un chemin exigeant, souvent déroutant, mais qui, pour beaucoup, est une voie vers une transformation profonde et une meilleure compréhension de soi.

 

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