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Patrick MARTIN Psychologue Paris 9e 

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Burn-out : Pourquoi certains trouvent du "plaisir" à se détruire au travail ?

  • Photo du rédacteur: Patrick  MARTIN
    Patrick MARTIN
  • 9 sept.
  • 4 min de lecture

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Lorsque j'adresse à un patient la question « Quelle jouissance trouviez-vous à vous détruire au travail ? », et que la réponse fuse : « Mais je n'en jouis pas, puisque je souffre ! », c'est tout à fait normal. Notre sens commun, notre expérience quotidienne, associe naturellement la jouissance au plaisir, à quelque chose d'agréable, de recherché.

La psychanalyse, et particulièrement Jacques Lacan, donne à ce terme un sens bien plus vaste, plus profond et parfois... plus dérangeant.


Jouissance : c’est bien plus que le plaisir

Pour Lacan, la jouissance (un terme qu'il a repris et développé du vocabulaire juridique et philosophique) n'est absolument pas synonyme de plaisir au sens courant du terme. Au contraire, elle représente tout en dépassant le principe de plaisir, qui est ce qui nous pousse à rechercher le bien-être et à éviter la douleur, soit l’équilibre. La jouissance est une satisfaction paradoxale, une forme d'excitation qui peut se trouver précisément là où il y a souffrance, là où ça ne va pas, là où ça « déborde ».

  • Le Plaisir, c'est l'équilibre : Le plaisir, c'est quand on est dans un certain équilibre, une homéostasie, quand le besoin est satisfait, quand l'angoisse s'apaise. C'est le corps qui se détend, l'esprit qui se calme.

  • La Jouissance, c'est l'excès : La jouissance, c'est tout ce qui va au-delà du plaisir. C'est l'excès, la tension, la surcharge, y compris la douleur. C'est pourquoi on peut parler de jouissance dans des situations qui, de prime abord, nous semblent purement négatives et destructrices. C'est une satisfaction qui s'obtient parfois au détriment du sujet lui-même, ou de son bien-être conscient.


Pourquoi « jouir » de ce qui fait souffrir ?

Revenons à l'exemple de la destruction au travail. Quand je pose cette question, ce n'est pas pour nier la souffrance réelle du patient. Je ne dis pas : « Vous aimez souffrir. » Mais je l'invite à s'interroger sur ce qu'il peut y avoir, au-delà de la souffrance apparente, comme bénéfice inconscient, comme satisfaction masquée dans cette répétition ou cet investissement destructeur.

  • La répétition de l'inconfort : Pensez à une personne qui gratte à cause d’une piqûre : ça démange, ça fait mal, mais il y a une certaine « satisfaction » à se gratter, même si ça empire la situation. C'est une forme de jouissance.

  • Se détruire pour exister : Pour certaines personnes, se « détruire » au travail (burn-out, surinvestissement, sacrifice personnel) peut être une manière inconsciente d'exister, de prouver quelque chose (à soi-même, à ses parents, à une figure idéalisée), de combler un vide, ou même d'échapper à une angoisse plus grande. C'est une manière d'occuper une place, même si elle est douloureuse. Par exemple, si l'on a toujours été valorisé pour son abnégation, ou si la fatigue extrême est une façon de ne pas penser à des problèmes plus profonds. Voilà ce qui se cache vraiment derrière l’idéologie de « la charge mentale ».

  • L'appel de l'impossible : Le sujet peut être inconsciemment pris dans une injonction à un idéal de perfection ou de performance, qui le pousse à dépasser ses limites, même si cela le mène à l'épuisement. Il y a une jouissance dans cette tentative d'atteindre l'impossible, de toujours faire plus, même si le corps et le psychisme en paient le prix fort.


Le rôle de la question analytique


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La question « Quelle jouissance trouviez-vous à vous détruire au travail ? » n'est pas une accusation, mais une invitation à l'exploration. Elle vise à :

  1. Casser l'évidence : Elle force le patient à sortir de sa première réponse : « Je souffre, donc je ne jouis pas », pour l'amener à un niveau d'interrogation plus profond.

  2. Pointer le paradoxe : Elle met en lumière l'existence de cette satisfaction inconsciente, là où la logique consciente ne voit que douleur. La logique voudrait que si l’on souffre l’on s’arrête, donc si l’on souffre et que l’on ne s’arrête pas, c’est que le bon sens a disparu… mais au profit de quoi ?

  3. Ouvrir à l'inconscient : Elle cherche à débusquer ce qui, dans le symptôme (la destruction au travail), produit une forme de jouissance, un bénéfice secondaire qui rend difficile l'abandon de cette conduite. C'est en mettant en mots cette jouissance cachée que le sujet peut commencer à s'en libérer. Tant qu'elle reste inconsciente, elle opère en arrière-plan et maintient le symptôme.

 

Conclusion : Au-delà du bien et du mal, le chemin vers la liberté

Comprendre la jouissance en psychanalyse, c'est accepter qu'une part de nous puisse être attirée par ce qui nous nuit, non par masochisme volontaire, mais par des logiques inconscientes complexes. La souffrance est bien réelle, mais elle est parfois le prix d'une forme de satisfaction, d'une manière d'exister.

L'analyste, en posant cette question, ne juge pas. Il offre un miroir pour que le patient puisse s’y regarder avec honnêteté, à terme, entrevoir cette part insoupçonnée de lui-même et, peut-être, trouver d'autres voies pour exister et obtenir satisfaction, des voies qui ne passent plus par la destruction de soi. C'est un pas essentiel vers une véritable liberté.

 

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