C'est quoi l'alcoolisme ?
"L’alcoolisme concerne psychiatres, psychologues, psychanalystes, médecins, biologistes, toxicologues, travailleurs sociaux, économistes et politiques. C’est dire que l’alcoologie se veut pluridisciplinaire. Cependant, une approche purement pluridisciplinaire risque de morceler l'objet sans rencontrer le sujet qui en souffre. La psychanalyse lacanienne interroge la position subjective de l'alcoolique face à son désir et à la jouissance."

Les Signes Qui Doivent Alerter
Il est crucial de reconnaître les signes d'un TUA (Trouble de l'Usage d'Alcool) pour agir rapidement. Voici quelques indicateurs :
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Perte de contrôle : Difficulté à limiter la quantité d'alcool consommée.
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Augmentation de la tolérance : Besoin de boire plus pour ressentir les mêmes effets.
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Symptômes de sevrage : Tremblements, nausées, sueurs, anxiété, en l'absence d'alcool.
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Consommation continue malgré les problèmes : Poursuite de la consommation malgré des problèmes de santé, familiaux, professionnels ou financiers.
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Temps et énergie consacrés à l'alcool : Beaucoup de temps passé à boire, à se remettre de la consommation, ou à se procurer de l'alcool.
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Négligence des responsabilités : Abandon des activités sociales, professionnelles ou familiales.
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L'Alcoolisme au Prisme de la Psychanalyse Lacanienne
L’alcoolisme se manifeste comme une conduite de dépendance, une forme d’addiction où la substance fonctionne comme un objet (a), promesse illusoire de complétude et de pacification d'une angoisse liée au manque-à-être.
L’alcoolique est habité par une compulsion de répétition : il éprouve un besoin impérieux de boire (relevant de la dépendance physiologique), tend à augmenter les doses (tolérance), et est pris dans une dépendance psychique profonde, structurée comme une relation aliénante à l'Autre (la substance devenant l'Autre de la jouissance). Il ne peut s’arrêter sans être malade (sevrage), il ne peut pas ne pas recommencer. Cette impasse signale une économie psychique où la jouissance addictive court-circuite la médiation du désir et du langage.
La maladie alcoolique est, de très loin, la forme la plus répandue de toxicomanie, du moins en France (en Australie et dans les iles). Ses complications sont nombreuses et les malades innombrables. Chaque cas, pourtant, reste une solution singulière, un symptôme à déchiffrer dans l'histoire du sujet.

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La personnalité des alcooliques :
je n'envisage pas l'alcoolisme comme une simple "maladie" ou un comportement. Je le conçois comme un symptôme au sens : d'une formation de l'inconscient, une réponse singulière du sujet face à un manque fondamental qui échappe à sa capacité à en dire quelque chose de sa souffrance. L'alcool n'est pas la cause, mais plutôt une tentative désespérée de combler un vide (structurel), d'éteindre une angoisse qui ne peut se dire en mots.
Il n'existe pas de personnalité alcoolique spécifique. Le choix de la solution alcoolique dépend de la structure subjective (névrose, psychose, état-limite) et des impasses rencontrées dans la dialectique du désir. Cependant, certains traits imaginaires se retrouvent fréquemment, manifestant un rapport particulier à la jouissance et à la limite : appétence orale (demande insatiable), mauvaise tolérance aux frustrations (conflit avec l'interdit symbolique), impulsivité, goût pour les sensations fortes (rapport au réel de la jouissance).
Certaines organisations psychopathologiques, comme les personnalités névrotiques (phobiques, hystériques, anxieuses et dépendantes) ou limites (organisations dépressives, états-limites), peuvent offrir un terrain où la solution alcoolique apparaît comme une réponse possible à une angoisse massive ou à un défaut de symbolisation.

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Alcoolismes primaire et secondaire :
L’alcoolisme primaire représente environ 70% des cas : la conduite alcoolique s'impose comme le symptôme central, la formation de compromis prévalente organisant la jouissance du sujet. Le sevrage et l’abstinence permettent une stabilisation comportementale mais ne signifient pas pour autant une "vie normale" ou la résolution de la conflictualité psychique sous-jacente. Seul un travail de parole (psychanalyse, psychothérapie analytique) peut permettre au sujet de refonder son rapport au désir et à la jouissance, au risque sinon d'une rechute ou d'un déplacement symptomatique.
L’alcoolisme secondaire vient compliquer des troubles préexistants : dépression, anxiété, névrose, schizophrénie.
Le sevrage et l’abstinence sont nécessaires, mais pas suffisants : il faudra soigner le trouble sous-jacent. L’alcool servait ici d’auto-médication, tentant de pallier un effondrement symbolique ou de colmater un réel insupportable (trauma, forclusion). La prise en charge doit alors s'attaquer à cette faille structurelle. (personnellement j'aurais tendance a dire qu'il n'existe que cette forme d'alcoolisme)

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Pour aller plus loin
Dans l'alcoolisme, l'alcool agit comme un produit qui vient saturer ce manque, une tentative de voiler le Réel de l'angoisse.
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Le refus de la castration symbolique : L'alcool permet un fantasme de toute-puissance, un retour illusoire à un état où le sujet ne serait pas divisé par le langage et le manque. Il anesthésie la confrontation à la castration symbolique, c'est-à-dire l'acceptation qu'on ne peut pas tout avoir, qu'il y a une limite, une perte inhérente à l'existence.
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Une jouissance mortifère : La consommation d'alcool peut être une jouissance au sens lacanien : une jouissance qui dépasse le principe de plaisir, qui peut même être mortifère, mais à laquelle le sujet est asservi car elle répond à une exigence inconsciente. C'est une tentative de récupérer une jouissance perdue, un au-delà du principe de plaisir.
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L'objet a et l'alcool : L'alcool peut fonctionner comme un objet a (objet cause du désir) qui, au lieu de relancer le désir, vient l'obturer. Le sujet s'identifie à cet objet, il devient l'objet de la consommation, s'y perd. L'alcool, comme "objet gadget" de la société de consommation, promet une complétude immédiate et illusoire.
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La défaillance du Nom-du-Père : Dans certains cas, l'alcoolisme peut signaler une défaillance de la fonction paternelle (le Nom-du-Père) qui n'aurait pas suffisamment opéré la séparation du sujet du désir maternel. Le sujet, n'étant pas suffisamment advenu à sa singularité, se noie dans l'alcool pour échapper à cette fusion ou à l'angoisse de sa propre division.


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Quand Consulter un Psychologue pour l'Alcoolisme ?
Si vous vous reconnaissez dans ces descriptions, ou si un proche semble en difficulté, n'hésitez pas à chercher de l'aide professionnelle. Un psychologue peut vous aider à :
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Comprendre les racines de votre dépendance.
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Développer des stratégies d'adaptation saines.
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Gérer les émotions et le stress sans alcool.
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Travailler sur les traumatismes ou les conflits sous-jacents.
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Mettre en place un plan de rétablissement durable.
Le chemin vers la sobriété est un processus qui demande courage et soutien. Nous sommes là pour vous accompagner.
Le travail consistera à :
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Faire advenir le sujet à sa parole : Permettre au sujet de dire ce qui le tourmente, au-delà de l'acte de boire.
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Repérer le fantasme : Comprendre le scénario inconscient qui sous-tend la consommation.
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Travailler le manque : Aider le sujet à accepter le manque, à le faire passer du Réel de l'angoisse au symbolique, pour qu'il puisse y articuler son désir et s'ouvrir à d'autres modes de jouissance, moins destructeurs.
La prise en charge peut nécessiter l’intervention de plusieurs professionnels : addictologues, psychologues, infirmiers etc. L'approche lacanienne insiste sur la nécessité, au-delà de la gestion médicale et sociale, d'offrir un espace de parole où le sujet puisse élaborer la fonction singulière que l'alcool jouait pour lui, et refonder son désir hors de l'emprise de la jouissance addictive. Hormis les cures, il existe également des centres accessibles en ambulatoires : les CSAPA. La présence de psychanalystes ou de psychothérapeutes orientés par la psychanalyse dans ces structures est cruciale pour permettre ce travail de subjectivation.
