CHEMSEX de ZARCA
- pmartinpsy
- 12 févr. 2024
- 6 min de lecture
Le dernier livre de Johann Zarca, comment d’écrire ce petit moment de lecture angoissante ?

C’est le premier roman que je lis de ce Monsieur, et il m’a provoqué la même sensation qu’à la lecture « des Métamorphose » de Kafka.
D’ailleurs, pour l’anecdote il semble que rien ne m’aurait poussé à lire ces deux romans si ce n’avait été pour le travail et mon côté contradicteur. Le premier de Kafka je l’ai lu avec beaucoup d’humour par défis après une pseudo-agression d’un camarade à l’université. Interpellée par un professeur de littérature celle-ci me prend à partie en me confondant avec un autre étudiant qui lui avait fait part de la comparaison entre « l’étranger » de Camus et les métamorphoses. N’ayant pas le temps de dire que ce n’était pas moi, n’étant vraiment pas fan de la plume allemande, une étudiante me coupe la parole et m’agresse littéralement en me traitant de menteur. Petit souvenir qui me fait rire aujourd’hui, puisque, je n’ai jamais eu l’occasion d’en dire quoi que ce soit m’ayant coupé la parole. Le soir même j’achète ce roman le lit en une heure dans le métro et le lendemain m’amuse à prendre la parole, le livre à la main pour le comparer et agacer ma joyeuse camarade, grande fidèle de la religion d’Augustus CARP…
Ce qui est drôle dans tout cela c’est que j’ai détesté lire se livre. La descente aux enfers d’un jeune homme qui hallucine devenir un cafard est retranscrite avec une telle splendide horreur, que vous-même êtes pris aux pièges de mots de l’auteur, comme aliéné par le livre
à la torpeur que ressent son personnage. Vous devez terminer pour vous échapper de ce cauchemar dramatique. Si certains d’entre vous se demande ce que c’est la schizophrénie, je les invite à lire ce livre. Vous comprendriez la réalité du morcellement de la psyché soit d’une angoisse, qui vous pousse à délirer et prendre la voie de l’hallucination.
Chems, qui est le septième roman de l’auteur sera certainement le seul que je lirais de lui, bien qu’il ne me semble pas allemand (mauvaise blague). Il nous raconte une descente aux enfers d’une personne du commun à un drogué. Descente, qui semble nouvelle pour certains, est pourtant tellement ancienne et déjà tellement décrite. La drogue, le sexe, l’addiction, n’ont de nouveau que ce mot : chemsex. Les Américains et les Anglais semblent adorer créer des néologismes ou des nouveaux mots pour laisser croire qu’on a découvert un nouveau continent. Tiens ça n’évoque rien au professeur d’histoire ?

C’est un terme utilisé pour décrire la consommation de drogues stimulantes ou psychoactives, telles que les amphétamines, la méthamphétamine, la cocaïne, la MDMA, le GHB et le GBL, en conjonction avec des relations sexuelles. Il est souvent associé à des pratiques sexuelles à risque, telles que le sexe non protégé et le sexe en groupe.
Ce peut être aussi considéré comme un type de dépendance sexuelle, car il implique l'utilisation de drogues pour améliorer l'expérience sexuelle. Il peut également être considéré comme une forme de comportement à risque, car il peut entraîner des problèmes de santé sexuelle, tels que les infections sexuellement transmissibles (IST) et les grossesses non désirées.
Certaines personnes s’étonnent quand je leur dis qu’ils sont de cocaïnomane, ou des drogués, vous me direz : mais pourquoi ? C’est dur comme mot… Et l’alcool alors… La réalité des faits c’est que si vous prenez plus d’une fois tous les 6 mois de la coc par exemple, vous êtes un cocaïnomane. L’addiction, les drogues, ce ne sont pas des jouets, bien que souvent utilisés de manières récréatives. Cela rend pour certains qui veulent se dédouaner de leur responsabilité de sujet, mon propos réactionnaire, mais pas moins vrai. Il y a des zones de temporalité pour chaque drogue – café et alcool – compris au-delà vous ne pouvez pas dire que votre prise de drogue est volontaire. Dans l’idée que vous ne pouvez pas déterminer si votre corps le réclame ou si c’est un désir volontaire que vous pouvez frustrer.
J’entends déjà dire : « moi je ne suis pas dépendant, je n’ai pas besoin… ». OK arrêtez pendant 7 mois et je dirais oui, vous n’avez aucun problème. Vous la retrouverez cette idée, à plusieurs reprises dans les mots de Zarca, et vous verrez que pourtant son personnage cède à chaque fois, tout en se croyant sous contrôle.
Voilà bien une autre idée que l’on découvre dans les lignes de ce livre. Le contrôle est imaginaire. Bien des personnes que j’ai connues ou encore des patients ayant un problème avec les drogues (même le sport) s’imaginent tous avoir le contrôle. Mais le contrôle sur quoi ? Certains vous répondent volontiers : sur la came… Mais je suis toujours étonné par cette réponse. Je ne suis pas très au fait de la cocaïne mais j’ai déjà côtoyé des bouteilles de vin, et avec beaucoup d’humour j’aimerais dire, ici, qu’elles ne m’ont jamais donné l’impression d’avoir besoin d’être contrôlé.
Le contrôle est une idée a examiné, dans le sens qu’il serait la perception que nous aurions de l’extérieur et que nous pourrions manipuler pour arriver à nos fins. Ce que Zède, nous montre (personnage du livre) c’est qu’il n’a plus aucune maîtrise de l’intérieur, voir une perversion pour plier la réalité et faire correspondre l’intérieur avec l’extérieur. Zède petit à petit s’engouffre dans l’imaginaire et ne veut plus rien savoir de la réalité de ce qu’il est en train de devenir. Ce qui le différencie du personnage de Kafka, qui lui croit dans le réel a sa transformation en cafard. Zède, ne se rend pas compte qu’il est devenu un cafard et s’imagine encore être un homme de contrôle… Spoiler Alerte : la scène où il est filmé en démontre toute l’horreur.
Vivre dans l’imaginaire voilà un souhait que tous nous partageons sans vraiment le savoir
ou bien même nous en rendre compte. Les personnes se laissant glisser dans l’addiction et perdent de vue l’intérieur au profit de l’extérieur pour se baigner dans la jouissance. Le terme de jouissance ici n’est pas associé à celui de plaisir. Mais d’une réalité souffrante, que l’on recherche tous, une espèce de zone qui nous pousse à sacrifier père et … ? Non, qui nous pousse juste à sacrifier le représentant d’une limite, une limite qui peut nous arrêter et que l’on ne supporte pas. Comme ce Vilain capitaine crochet, qui veut que Peter Pan atterrisse pour devenir un homme. Zarca nous l’indique, personne ne peut rien dire à Zède et il ne veut rien savoir d’ailleurs. Même les parents du personnage semblent pieds et poings liés face à la menace. Ainsi plus rien ne l’arrêtera, ou peut-être ce qu’il recherche de plus inconscient en lui comme bon nombre de drogués, la dernière limite : la mort.

Pour terminer cette petite fiche de lecture, je voudrais vous présenter une petite réflexion qui m’est propre depuis ma première année en psycho. L’addiction pour certains patients semble être une réponse qui ripe encore et encore vis-à-vis de la question de la limite et surtout de la dernière limite – la mort. Mais qu’est-ce à dire que cela ? La mort est une réflexion que l’on se doit de surmonter pendant l’enfance. La mort nous indique la présence du danger, de la réalité, et donc une barrière a l’imaginaire. Mais la mort met un terme à la toute-puissance et à l’immortalité. Elle nous rappelle à l’autre vis-à-vis du prix à payer pour chaque chose et donc que nous sommes dans un monde impermanent (un père manant). L’impermanence nous permet de vivre en liberté dans un monde au finalement ce que je désire à une fin, soit là où commence ce que désir peut être l’autre et inversement. Ma limite me permet donc d’entendre la limite de l’autre, de prendre conscience.
Le rapport avec l’ordalie, serait un mouvement où le sujet cherche perpétuellement à se rappeler son immortalité et sa mortalité, il se met en danger, toujours plus pour à la fois expérimenter la mort et la vie. Malheureusement, quand le sujet et trop pris par son symptôme ordalique il finit par pousser la limite et la rendre réel. C’est comme une expérience grandeur nature de la souffrance interne. La tension que l’on ressent de manière interne qui ne trouverait pas de mot pour venir s’éteindre ou s’atténuer. Ici elle viendrait trouver une résolution externe dans la drogue. La substance viendrait endormir la tension, la souffrance, le temps, le rapport a l’Autre, les limites. Et pour pouvoir continuer le sujet s’imagine au-delà des règles, elle ne s’applique plus à lui. C’est là que nous basculons de la pulsion de vie et celle de mort, ou le sujet cherche à stopper ce qui lui rappelle qu’il est vivant. La souffrance est constitutive de la vie, si vous là retiré, parce que vous n’avez pas appris à l’apprivoiser alors vous mourez.
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